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Présentation du plan pluriannuel pour l’Éducation nationale
Point de presse de Jack Lang, Ministre de l'Éducation nationale, du 15 novembre 2000
S o m m a i r e
- Introduction
- Un acte politique
- Une démarche nouvelle
- Une ambition : l’école républicaine de l’exigence
- Deux plans en un
- Conclusion
- Annexes (prochainement)
Depuis vingt ans, le système éducatif français a connu un développement très significatif : grâce à une importante progression de ses moyens, aux réformes conduites du premier degré à l’enseignement supérieur, il a permis à un nombre fortement croissant d’élèves et d’étudiants la poursuite d’études prolongées, dans le second degré puis dans l’enseignement supérieur, et assuré une amélioration généralisée de la réussite des uns comme des autres.
Les objectifs affichés par la loi d’orientation de l’éducation adoptée en juillet 1989 n’ont, pour autant, pas été totalement atteints : l’effort de démocratisation de notre enseignement doit être accentué pour que s’instaure une véritable égalité des chances.
Au surplus, l’ouverture grandissante de notre société sur le monde, l’émergence des nouvelles technologies de l’information et de la communication, l’explosion des connaissances scientifiques suscitent une demande accrue d’accès aux savoirs et à la formation et appellent notre système éducatif à se hausser à un plus haut degré d’exigence encore.
Plus que jamais, le service public de l’éducation nationale apparaît comme le garant d’une démocratie vivante, de l’équilibre social de notre pays, de sa prospérité et de son rayonnement futurs.
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Le plan pluriannuel qu’engage le gouvernement n’est pas un simple exercice de programmation budgétaire. C’est, au sens propre, un acte politique, tout ensemble acte de foi dans le service public de l’éducation nationale, et acte de prévision et de maîtrise du futur.
Alors que nombre des grands pays développés baissent la garde et réduisent leur soutien à leur système éducatif, la France doit être fière de poursuivre sa marche en avant. Le plan pluriannuel intervient en effet à un moment charnière. Nous sortons de dix ans au cours desquels le système éducatif s’est démocratisé mais où sévissait une sévère crise économique et sociale et la persistance de fortes inégalités. Nous entrons dans une époque nouvelle, placée sous un autre signe :
- le retour de la croissance va entraîner un retour progressif au plein emploi, qui risque de révéler, si l’on n’y prend garde, une pénurie de cadres et de personnels qualifiés ;
- les nouvelles technologies prennent une importance croissante dans les métiers et dans la vie quotidienne et doivent donc s’inscrire au cœur des apprentissages tous cycles et niveaux de formation confondus ;
- les corps enseignants et non enseignants de l’éducation nationale sont appelés, au cours des dix années qui viennent, à se renouveler pour moitié.
Ces transformations, pour certaines déjà engagées, exigent un effort de prévision et d’organisation de l’avenir.
Un acte de conviction et d’engagementPlus que jamais, notre ambition est de former des citoyens éduqués et éclairés. Alors que la mondialisation nivelle les exigences et tend à imposer un imperium culturel unique, la France revendique sa singularité et son originalité.
Le plan pluriannuel est en outre la garantie des progrès et du développement futurs de notre pays. Le gouvernement marque sa conviction que le capital humain est la plus grande de nos richesses, qu’il faut en explorer tous les gisements, que le premier investissement auquel doit procéder une grande nation est l’investissement dans l’intelligence. C’est lui qui donne à la société son élan et son ferment.
Un acte de prévision et de maîtriseLe gouvernement entend prendre à bras le corps l’avenir du système éducatif en se fixant un horizon, en s’engageant sur une continuité des efforts indépendamment des caprices de la conjoncture politique et économique. Il se donne ainsi pour la première fois le moyen de remédier au mal chronique de nos finances publiques : des budgets en dent de scie, des coups d’accordéon dans l’effort financier accompli par la collectivité. Transformer l’éducation nationale réclame la sécurité dans la programmation des moyens. Il s’agit donc de se projeter vers le futur en l’organisant, de ne pas se laisser gouverner par la conjoncture mais de gouverner l’avenir autant qu’il est possible.
La démarche suivie est, à cet égard, inédite : jamais, ni en France ni dans les grandes démocraties occidentales, l’Etat n’avait élaboré un plan pluriannuel de programmation de ses moyens en personnel et de ses recrutements. Les efforts de programmation n’avaient jusqu’à présent porté que sur les investissements (notamment en matière militaire). Si l’on excepte la tentative inaboutie du " nouveau contrat pour l’école ", de François Bayrou, l’unique plan pluriannuel élaboré, de mémoire récente, pour l’éducation nationale était, faut-il le rappeler, un plan négatif de quelque 5 000 suppressions de postes, arrêté par le gouvernement Juppé en 1996 : appliqué en 1997, il a donné lieu à la suppression de 500 emplois de professeurs des écoles et de 2 200 emplois de stagiaires du premier degré.
Une ambition : l’école républicaine de l’exigence
Le plan pluriannuel poursuit deux objectifs primordiaux, inséparables et complémentaires.
Une exigence d’égalité : résorber les inégalités sociales et géographiquesDes progrès importants ont été accomplis depuis les années 1960. Les pourcentages de collégiens poursuivant des études au lycée puis accédant à l’enseignement supérieur, qui pouvaient varier du simple au double selon les académies, au début des années 1970, tendent partout à s’aligner sur des niveaux historiquement jamais atteints. Du chemin reste néanmoins à parcourir.
Le gouvernement s’engage notamment, au cours des trois années qui viennent, à résorber les inégalités de dotation qui subsistent entre les académies, cet effort étant conduit en toute clarté en lien avec les diverses instances de concertation.
Une exigence de qualité : assurer une réussite de haut niveau pour chacunLa démocratisation de notre système éducatif a été le trait le plus marquant des dix années écoulées. La société réclame aujourd’hui de hauts niveaux de qualification. Les années qui s’ouvrent doivent donc être celles de l’excellence.
Favoriser la réussite de tous les élèves, c’est, en premier lieu, s’attacher à ce que les élèves les plus fragiles fassent l’objet des efforts les plus attentifs. L’objectif, posé par la loi d’orientation de 1989, de faire disparaître les sorties sans qualification doit être réaffirmé : d’ici cinq ans, aucun élève ne doit quitter le système éducatif sans une qualification minimale.
Plus largement, nous ne parviendrons à la réussite de tous que par une reconnaissance de la diversité des talents, des aspirations et des vocations. Toutes les voies de l’excellence doivent être encouragées et développées, voies professionnelle, technologique et générale.
Le plan pluriannuel doit donc permettre de concrétiser les changements que cette haute ambition appelle, de l’école à l’université :
Le contenu du plan est nouveau autant que la méthode choisie. Il s’agit en effet de deux plan pluriannuels en un : un plan de programmation des créations d’emplois ; un plan de programmation des recrutements.
Une programmation des créations d’emplois : 33 200 nouveaux emplois en trois ans
Une logique purement comptable, que certains semblent appeler de leurs vœux, et que la précédente majorité a cru bon d’appliquer, dans le dernier budget qu’il lui est revenu de faire adopter, voudrait que la diminution annoncée des effectifs d’élèves et d’étudiants conduise à une diminution du nombre des enseignants. C’est ainsi que certains préconisent la suppression de 780 emplois de professeur des écoles et de 3800 enseignants du second degré entre 2000 et 2003.
Le plan pluriannuel s’inscrit dans une logique diamétralement opposée. Il entend ne pas tirer prétexte de la baisse démographique pour réduire l’effort consenti par la collectivité nationale mais, au contraire, introduire des moyens supplémentaires dans notre système éducatif afin d’en permettre la transformation.
Concrètement, le plan va comporter, sur trois ans (2001-2003) :
Pour le premier degré : 8 025 emplois
- 2 400 emplois nouveaux de professeurs des écoles ;
- 5 625 emplois de stagiaires.
On crée donc en trois ans plus d’emplois pour le premier degré qu’au cours des dix années écoulées, alors que le premier degré n’avais connu aucune création d’emploi depuis 1993 et que 700 suppressions d’emplois de professeurs des écoles et 2200 de stagiaires (qui ont négativement pesé sur les recrutements ultérieurs) avaient même été réalisées par le dernier gouvernement de droite au budget 1997 (cf. supra). Ces créations d’emplois permettront de limiter rigoureusement, au cours de la période, le recours, si souvent décrié, aux listes complémentaires pour pourvoir des postes d’enseignants du premier degré devenant vacants en cours d’année.
Pour le second degré : 19 575 emplois
- 5 900 emplois nouveaux d’enseignants du second degré, soit, en trois ans, plus que la totalité des emplois créés dans ce secteur en huit ans, à une époque où les effectifs scolarisés dans les collèges et les lycées étaient en forte croissance. Après 900 créations nettes d’emplois d’enseignants du second degré et 1000 emplois créés par transformation de crédits réservés aux heures supplémentaires au budget 2001, les années 2002 et 2003 verront une accélération de l’effort, avec respectivement 1000 et 1000 créations nettes, complétées par deux fois 1000 emplois créés par transformations d’heures supplémentaires ;
- 9000 emplois créés par transformation de crédits de rémunération d’enseignants non titulaires, destinés à permettre la titularisation de professeurs contractuels ;
- 4 675 emplois d’ATOSS, soit plus, en trois ans, que tous les emplois créés dans ce secteur depuis 1993.
Pour l’enseignement supérieur : 5 600 emplois
- 2 600 emplois d’enseignants, l’effort inscrit au projet de loi de finances 2001 s’amplifiant au cours des années 2002 et 2003 ;
- 3 000 emplois d’IATOSS, soit un effort triennal sans équivalent depuis le début des années 1990.
L’enseignement supérieur présente, d’ailleurs, une heureuse singularité, puisqu’il fait simultanément l’objet d’une triple programmation : celle, portant sur les emplois et les recrutements, du plan pluriannuel ; celle, portant sur les investissements, du plan Université du Troisième millénaire (U3M).
Une dynamique de la programmation des recrutements
Le gouvernement s’engage pour la première fois dans la programmation des recrutements inscrite dans la loi d’orientation de 1989 mais jamais réalisée. Il s’agit de créer une véritable dynamique du recrutement, en anticipant sur les importants renouvellements que vont connaître les différents corps de fonctionnaires de l’éducation nationale au cours des années qui viennent, et en prenant notamment en compte les nombreux départs à la retraite d’ores et déjà prévus, les très importantes créations d’emplois que prévoit le plan et la situation de certaines disciplines qui accusent ou accuseront des déficits. Une fois engagée, cette dynamique a vocation à se prolonger au delà de la durée du plan pluriannuel.
L’horizon qui est ouvert, le mouvement qui est lancé doivent encourager les jeunes diplômés et les étudiants qui entament aujourd’hui leurs cursus de formation supérieure à se tourner vers les métiers de l’enseignement, dans lesquels ils vont trouver, au travers du plan pluriannuel, l’assurance de débouchés et de carrières à la hauteur de leurs ambitions. La hausse programmée de recrutements doit nous permettre d’attirer vers les métiers de l’enseignement les meilleurs étudiants et de diversifier les origines sociales de nos futurs professeurs.
D’ici à la fin de l’année, le ministère de l’éducation nationale publiera, avec les ouvertures des concours 2001, ses perspectives chiffrées et concrètes de recrutement à trois et cinq ans pour ses principaux corps de fonctionnaires, enseignants et non enseignants.
Une cellule permanente de réflexion associant les organisations représentatives des personnels sera mise en place afin d’étudier, à moyen terme, l’évolution des viviers de recrutement et leur adéquation aux besoins prévisibles du système éducatif : il en va de la transparence que souhaite introduire le gouvernement dans la gestion et la programmation de l’emploi public et de la nécessité d’assurer une expression démocratique à l’ensemble des partenaires.
On peut d’ores et déjà souligner les éléments suivants :
- Dans le premier degré, le temps de la baisse des recrutements (-11,5 % de postes au concours externe de professeurs des écoles entre 1994 et 1997) est révolu.
Il est décidé d’augmenter le nombre de postes mis au concours de 22 % au moins entre 2000 et 2003 et de 30% en tout entre 2000 et 2005. En cinq ans, le ministère de l’éducation nationale se propose de recruter 62 000 nouveaux enseignants du premier degré, contre 46 000 au cours de la période 1996-2000. Cette programmation volontaire et maîtrisée aura notamment pour effet de réduire rapidement le recours aux listes complémentaires, qui concerne aujourd’hui près de 5 500 personnes par an.
- Dans les corps enseignants du second degré, la politique du ministère de l’éducation nationale marquera une rupture très nette avec celle des années écoulées.
Le gouvernement décide de mettre 88 000 postes au concours entre 2001 et 2005 pour le recrutement d’enseignants nouveaux. Ces recrutements sont destinés à pourvoir les quelque 6 000 nouveaux emplois inscrits au plan pluriannuel ainsi que les postes devenus vacants du fait des départs à la retraite et à corriger les difficultés actuellement constatées dans un certain nombre de disciplines. Il va de soi que ces chiffres se trouveront augmentés du nombre des emplois éventuellement créés au delà de 2003.
Ces 88 000 recrutements correspondent à une augmentation des postes offerts aux concours externes de 25 % entre 2000 et 2003 et de 50 % entre 2000 et 2005 : de 13 590 postes offerts aux concours externes en 2000, on passera à près de 15 000 dès 2001, plus de 16 000 en 2003 et à 22 000 à partir de 2005. Rappelons, pour bien souligner le caractère novateur de cet effort, que le nombre de postes offerts au recrutement aux concours externes d’enseignants a diminué de 23 % entre 1994 et 1997 et à nouveau de 20 % entre 1997 et 2000. Sur la période 2001-2005, en outre, 37 000 postes seront offerts pour la promotion interne et pour la résorption de la précarité.
Premier et second degrés confondus, plus de 185 000 enseignants seront recrutés au cours des cinq prochaines années.
- Pour les IATOSS, nous avons décidé d’assurer une progression de 45 % du nombre de postes mis au concours, avec une augmentation exceptionnelle, pour la filière sanitaire et sociale, de 126 %.
- Pour les enseignants chercheurs du supérieur, près de 3 600 postes seront mis au concours au cours de chacune des trois années du plan, contre 3 200 en 2000. Cette progression s’inscrit dans la logique de la programmation de la gestion des emplois scientifiques menée en coordination avec le ministère de la recherche. Elle ne tient pas compte de la politique qu’il revient aux universités de conduire pour mettre au concours des emplois d’enseignants qui servent aujourd’hui à la rémunération de personnels non permanents (enseignants invités, attachés temporaires d’enseignement et de recherche). La pyramide des âges des enseignants de l’enseignement supérieur est, en outre, sensiblement différente de celle des enseignants des premier et second degrés : l’augmentation des recrutements d’enseignants chercheurs entre 2001 et 2005 n’est donc pas liée à des départs nombreux à la retraite, qui ne se produiront qu’au cours des années suivantes.
La programmation des recrutements permet également de garantir l’effectivité de la mise en œuvre du protocole Sapin relatif à la résorption de la précarité, dont les effets se prolongent jusqu’en 2005. Au cours des cinq années 2001-2005, plus de 20 000 postes seront mis au recrutement des concours réservés et des examens professionnels pour les enseignants non titulaires du second degré. Les 9 000 emplois budgétaires créés, entre 2000 et 2003, par transformation de crédits de rémunération d’enseignants non titulaires seront notamment utilisés à cet effet. Ainsi une partie très significative de l’intégration d’enseignants non titulaires sera effectuée par transformation de ces crédits. Les ATOSS du second degré se verront ouvrir au moins 10 000 possibilités de titularisation entre 2001 et 2005, et ceux de l’enseignement supérieur 4 000 sur la même période. Le nombre des emplois réservés aux personnels non titulaires rémunérés sur ressources propres des établissements sera arrêté une fois achevé l’examen particulier de la situation de chaque établissement.
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Les engagements du plan pluriannuel ne portent que sur la programmation des créations d’emplois et sur celle des recrutements. Ils ne préjugent en rien des arbitrages qui seront rendus, pour les deux budgets 2002 et 2003, en matière de mesures en faveur des personnels, de crédits pédagogiques et de fonctionnement, de crédits d’aide sociale et d’intervention ou encore de crédits d’investissement.
Le mouvement qu’enclenche le plan pluriannuel a vocation à se prolonger au cours de la décennie qui commence. La fin du plan, en 2003, ne constituera pas un aboutissement mais un point d’étape, pour envisager de nouvelles pistes d’action.
http://www.education.gouv.fr/discours/2000/pluriann.htm