L'Humanité quotidien22 Août 2001
Education. Une facture de rentrée scolaire alourdie. Ecole publique, pas gratuite

D'après la Confédération syndicale des familles, les frais de rentrée scolaire augmenteraient de 4,3 %, principalement à cause de la flambée du prix du papier. Mais les charges liées à l'école pèsent toute l'année sur les budgets, via la cantine et les voyages de classe.

" En volume de chiffre d'affaires, le marché de la rentrée vient juste après celui de Noël. " D'après la Confédération syndicale des familles (CSF), Fête des mères et Saint-Valentin ne font pas le poids face aux cahiers 24-32 à petits carreaux, copies doubles petit format perforées à grands carreaux et autres rollers de correction. Contrecoup forcé : les budgets des familles font les frais, au mois de septembre, de l'imagination sans fin des fabricants, pendant que les listes de fournitures à rallonge établies par les établissements n'aident pas à freiner les dépenses.

Cette année, l'étude réalisée par la CSF, sur la base d'enquêtes dans les magasins et auprès des familles, montre que le budget moyen des classes à la rentrée 2001 est en nette augmentation de 4,3 %, alors que le pouvoir d'achat des ménages ne progresse que de 3,5 %. Celle réalisée par Familles de France montre une hausse globale entre 5 % à 10 %. La faute à la dépréciation de l'euro, mais également au prix du papier, en hausse depuis que la reprise économique a dopé la demande alors que la production, ralentie par des années de récession, a du mal à redémarrer. Ce qui donne, du côté de la CSF qui comptabilise les frais administratifs et quelques livres à partir de la sixième (dictionnaire, ouvres littéraires), pour un enfant en CP, 578 francs de dépenses de rentrée, pour un adolescent en sixième, 1 963 francs, pour un lycéen en seconde générale, 3 508 francs, dont 1 469 francs de livres, pour lesquels la CSF réclame le prêt gratuit. Familles de France, qui limite son étude à une liste type pour un enfant entrant en sixième, évalue la dépense globale à 1 152 francs, ce chiffre n'incluant pas de livres ni de frais administratifs. Ceux-ci sont répertoriés par ailleurs au chapitre des frais annexes que constituent les frais de scolarité, l'assurance scolaire, les livres scolaires, le transport, la cantine, les loisirs, les vêtements, la coupe de cheveux, le téléphone mobile, etc. L'addition s'élève alors à 4 443 francs au moment de la rentrée.

Comme chaque année, l'enseignement professionnel atteint des sommets, en raison de l'équipement onéreux qu'il suppose : selon la CSF, la rentrée d'une première année de BEP industriel revient à 4 272 francs, celle d'une première année de BEP sanitaire et social coûte 3 089 francs, et enfin, une seconde technologie industrielle délestera la bourse des parents de 4 722 francs. La situation est d'autant plus préoccupante que les filières professionnelles concernent essentiellement les enfants des familles les plus populaires. Mais la CSF salue les efforts du ministère de l'Enseignement professionnel, qui a doublé le montant de la prime d'équipement, passée de 1 100 francs à 2 200 francs, versée aux élèves boursiers. Le casse-tête reste entier pour les ménages qui se situent à peine sous le seuil d'attribution de bourses, et qui ne bénéficient donc pas de cette prime. La CSF suggère pour eux l'invention d'une bourse à taux zéro, qui autoriserait le bénéfice de la prime sans le versement de la bourse. Pour aider les non-boursiers à faire face, la CSF revendique la mise à disposition du matériel par les établissements, au moins pour la première année.

La maternelle n'est pas épargnée par les fameuses listes de fournitures, parfois futiles : " De plus en plus, les enfants doivent fournir du petit matériel, de la papeterie, des mouchoirs en papier, du papier hygiénique et pour la première fois cette année des boîtes de lingettes. Les listes dépassent souvent 200 francs et peuvent atteindre 500 francs et plus ", lit-on dans le document de la CSF. " Les écoles ont peut-être tendance à considérer qu'elles peuvent exiger plus des familles depuis la pérennisation de l'allocation de rentrée scolaire (ARS) ", soupçonne Myriam Naël, chargée de mission à la CSF. Cerise sur le gâteau : la liste en question est souvent reçue la veille de la rentrée.

Au final, les inflations de listes et de prix se répercutent lourdement sur les budgets des ménages. En déclinant différentes configurations familiales et scolaires, la CSF a pu établir qu'une famille disposant d'un SMIC et d'un revenu à temps partiel, toutes allocations incluses dans le calcul, et ayant un enfant en BTS, un autre en seconde techno et un dernier en BEP industriel, devait consacrer 135,5 % de son budget de septembre à la rentrée. Une famille, avec un enfant en seconde et un enfant en quatrième, gagnant un salaire ouvrier et un SMIC, voit 41,5 % de son budget de septembre englouti par la rentrée scolaire. Enfin, la rentrée coûtera 33,70 % du budget d'une famille monoparentale vivant d'un temps partiel, et ayant un enfant en quatrième et un second en CM2. Face à ces chiffres, la CSF voudrait voir les taxes appliquées aux fournitures abaissées à 5,5 %.

Les frais liés à l'école ne s'arrêtent pas au mois de septembre. Cantine, voyages scolaires, sorties à la piscine, stages exigeants déplacements et logement sont autant d'activités bénéfiques en termes de réussite scolaire, mais lourdes financièrement : là peuvent se creuser des inégalités profondes entre les familles à l'aise et les familles plus pauvres. Pour limiter la charge financière pour les familles, la CSF exige le paiement de la cantine au quotient familial, et une dotation par élève pour les voyages scolaires, afin que chacun puisse partir. Les bourses semblent insuffisantes à Famille de France, qui a calculé qu'une famille au SMIC avec un enfant recevait un franc par jour au titre de la bourse des collèges. La CSF souhaiterait que, pour les collégiens, ARS et bourses fassent une seule et même allocation collège, et que, pour tous les boursiers, le plafond de ressources et les taux soient relevés. La CSF renouvelle par ailleurs sa proposition de créer une allocation pour les jeunes en attente de formation, d'emploi ou poursuivant des études (AJAFEE).

Anne-Sophie Stamane


L'allocation de rentrée arrive

Bonne nouvelle pour les familles qui touchent l'allocation de rentrée scolaire (ARS) : le versement des 1 600 francs a été avancé de deux semaines et devait être effectif sur les comptes en banque dès avant-hier. Ces 1 600 francs concernent cette année 3,3 millions de familles, pour 5,6 millions d'enfants. Elle représente donc près de 9 milliards de francs. L'ARS est d'un montant uniforme depuis quatre ans et est accordée sous conditions de ressources. En 2000, avec un enfant, il ne faut pas avoir touché plus de 104 199 francs de revenu imposable ; avec deux enfants, pas plus de 128 245 francs, etc. La CSF met en évidence que les lycéens de plus de 18 ans sont exclus du dispositif et souhaiterait que l'ARS soit modulée selon le niveau de scolarité et indexée sur le coût de la vie. Familles de France réclame une revalorisation des plafonds de ressources conforme à l'augmentation des salaires et à l'inflation, qui touche aussi les fournitures scolaires (voir ci-contre). L'association rejoint la CSF concernant la modulation selon les études suivies et réclame toujours un versement en deux fois, " pour mieux correspondre aux dépenses scolaires qui s'étalent tout au long de l'année. "

A.-S. S.