Syndicat National Unitaire des Instituteurs, Professeurs d'école et Pegc
Fédération Syndicale Unitaire

Section de LA SEYNE - VAR

INRP

17 Juillet 2001 - TRIBUNE LIBRE - "L'Humanité"

"LA PEDAGOGIE MADE IN MARKS ET SPENCER"

Par l'intersyndicale des personnels de l'INRP (*)

Dégagez, on rebâtit ailleurs sans vous ! C'est ce qu'ont compris les personnels de l'Institut national de recherche pédagogique (*) lorsque le ministère de l'Education nationale a brutalement décidé en septembre 2000 la suppression du site parisien de leur institut et son implantation à Lyon.

Alors que la recherche en éducation ne bénéficie pas en France des moyens suffisants pour répondre aux problèmes du système éducatif, le ministère casse une partie de ce qui existe.

Pourtant, l'INRP (plus de 300 personnes dont 130 chercheurs) devance et accompagne l'évolution du système éducatif français en menant des recherches sur de nombreux aspects de l'éducation : pratiques enseignantes, apprentissages, innovations, administration, rythmes scolaires, technologies nouvelles, renouvellement des disciplines, lutte contre l'échec scolaire, etc.

  • L'une de ses originalités est de conduire ces recherches grâce à des équipes implantées sur tout le territoire national et formant un réseau de plus de 1 600 enseignants, chercheurs et formateurs associés en poste dans les écoles, collèges et lycées, les instituts universitaires de formation des maîtres, les universités, le CNRS, etc.
  • Une autre originalité de cet institut est de faire vivre la mémoire de l'éducation grâce à une bibliothèque unique par l'importance de ses collections sur l'éducation (plus de 600 000 volumes) et leur exceptionnelle étendue dans le temps (du XVe siècle à nos jours). Enfin, l'INRP c'est aussi le musée national de l'éducation, installé à Rouen.

Aussitôt engagée dans une lutte contre l'absurdité d'un déménagement qui entraînerait le démantèlement des équipes, des collections et des compétences, l'intersyndicale des personnels (FERC-CGT, FSU, SGEN-CFDT, UNSA-Education) a dénoncé une logique immobilière qui prévaut sur toute politique de recherche en éducation.

La délocalisation est officiellement destinée à donner à l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm à Paris quelques milliers de mètres carrés supplémentaires (dont elle ne semble pas avoir un besoin urgent) et plus encore à satisfaire, après coup, les ambitions de Raymond Barre (ancien maire de Lyon), à remplir les étagères de la nouvelle bibliothèque interuniversitaire de Lyon (vides à la suite de l'incendie de la bibliothèque de Lyon-II).

Elle coupe court sans aucune raison scientifique au développement progressif de sites régionaux dans lequel l'INRP s'était engagé (Paris, Rouen, Lyon, Marseille).

Face à un tel arbitraire et à l'absence de perspectives de développement de la recherche en éducation, les fédérations syndicales nationales susnommées se sont unies pour demander aux ministres de l'Education nationale et de la Recherche de revenir sur une décision sans fondement scientifique et de promouvoir la recherche sur l'éducation et la formation.

Cette union, rare, a obtenu quelques succès : le ministre de l'Education nationale a annoncé en mars 2001 son intention de donner un nouvel élan à la recherche et il a confié à Antoine Prost une mission de réflexion sur les conditions de son essor et de sa coordination.

Pourtant, sans attendre les conclusions de cette mission, espérées fin juillet, alors même que l'arrêté de transfert de l'INRP à Lyon n'est pas encore signé, la suppression de l'INRP Paris continue à marche forcée.

Le déménagement de la bibliothèque, la construction d'un bâtiment à Lyon sont engagés et les personnels invités à quitter l'institut s'ils veulent rester en région parisienne ou à déménager à Saint-Fons, dans la banlieue lyonnaise, en attendant l'achèvement du bâtiment prévu à Lyon (en 2004 au plus tôt).

Il faut en finir avec l'hypocrisie ministérielle qui engage une réflexion sur l'avenir mais anticipe sur ses résultats et commence à démanteler l'INRP. Il faut en finir avec la campagne de dénigrement de l'institut et de ses personnels (diffusion à la presse d'un rapport d'inspection administrative calomnieux, dispersion de crédits, réduction de primes) en l'absence de toute évaluation scientifique.

Il faut en finir avec une gestion de la recherche au coup par coup, aussi clientéliste que dispersée, chiche de surcroît.

Au moment où les Institut universitaires de formation des maîtres (IUFM) doivent faire face à un afflux de stagiaires sans précédent lié au renouvellement démographique du corps enseignant, où l'effort de formation doit être massivement amplifié à tous les échelons du système éducatif, la France a besoin de stimuler la recherche sur l'éducation et la formation par une politique scientifique ambitieuse et cohérente.

Elle a besoin d'un institut national de recherche disposant d'un projet scientifique fort mettant en ouvre cette politique à l'échelle régionale, nationale, européenne et internationale, en association volontaire avec les autres forces existantes (instituts universitaires de formation des maîtres, universités, CNRS, ENS, etc.).

Sans politique nationale, sans projet scientifique stable et concerté aucun institut de recherche ne peut être performant, pas plus à Lyon qu'à Paris. Pourquoi programmer la disparition du site de Paris et disperser les équipes de chercheurs alors que le développement de l'INRP sur plusieurs sites était prévu ?

Quel est l'intérêt de déplacer la bibliothèque de Paris à Lyon (au risque de dégrader des documents fragiles) et de diviser le nombre de ses lecteurs par deux (40 % de la population française peut la consulter à Paris contre moins de 20 % à Lyon) ? Le mépris des personnes et des compétences, l'invocation d'une décision irrévocable comme seule justification, la casse inévitable que provoquera la délocalisation, la dimension immobilière évoquent Marks & Spencer.

Mais où est le profit ? Quelles actions vont remonter en Bourse ? Sûrement pas celles du service public de recherche en éducation. Pour dire leur incompréhension et leur indignation les personnels de l'INRP étaient massivement en grève le 3 juillet dernier.

Ils veulent rebâtir un avenir pour la recherche en éducation avec l'INRP. Avec leurs fédérations syndicales nationales, ils ont lancé un appel demandant :

  • la définition concertée d'un projet scientifique inscrivant l'INRP dans la politique nationale de recherche sur l'éducation et la formation, comme le conseil scientifique (11 juin 2001) et le comité paritaire central de l'INRP (26 juin 2001) l'ont demandé ;
  • le développement de l'INRP sur plusieurs sites et le maintien du site parisien avec sa bibliothèque.

Et, en attendant, le gel de tout transfert à Saint-Fons (Rhône) et à Lyon.

(*) FERC-CGT, FSU, SGEN-CFDT, UNSA-Education. intersyndicaleinrp@free.fr