DÉCLARATION DE GÉRARD ASCHIERI
AU MEETING INTERSYNDICAL (MARSEILLE – 12 JUIN 2003)

 


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DÉCLARATION DE GÉRARD ASCHIERI AU MEETING INTERSYNDICAL (MARSEILLE – 12 JUIN 2003)

Depuis 6 mois nous avons engagé l’action pour la défense de nos retraites. Depuis plus d’un mois se répètent des manifestations, des grèves qui engagent des salariés du public et du privé. Depuis avril, parfois des dizaines de milliers d’enseignants, de personnels de l’éducation reconduisent chaque jour des grèves, des centaines de milliers d’entre eux se retrouvent dans des journées de grèves et de manifestations répétées à la fois pour défendre le service public d’éducation et pour combattre un des pires projets de régression sociale de ces dernières années. Et pourtant nous pouvons avoir le sentiment de nous heurter à un mur.

M.Raffarin qui prône tant le dialogue social, parle sans cesse, se répand sur les ondes, les écrans, déverse sa prose dans des placards publicitaires payés à nos frais, nous fait la leçon mais il n’écoute pas. Et son clone du Vieux Port prétend nous interdire de parler.

Pourtant il s’agit de nous, il s’agit de nos vies, il s’agit de notre travail. Quand on parle de retraites, on parle de justice et de solidarité, on parle de la répartition des richesses que produit notre travail, on parle d’un droit que nous avons acquis de haute lutte. Quoi de plus normal que de vouloir à 60 ans profiter de sa retraite, c’est à dire pouvoir arrêter son travail et avoir un revenu décent qui permette de ne pas se retrouver pauvre, qui permette tout simplement de profiter de la vie.

Et c’est cette aspiration aussi simple que profonde que nos gens d’en haut prétendent contredire. On veut, dit-on, sauver les retraites et pour cela les dures lois de l’économie ne nous laisseraient qu’un seul choix : travailler plus longtemps. Et pourtant il n’est écrit nulle part que dans une société qui produit chaque année de plus en plus de richesses, la part de notre vie consacrée à travailler doive rester éternellement la même. Il n’y a pas de loi ni divine ni économique ni immanente ni transcendante qui dise que les richesses produites doivent d’abord servir à accroître les profits. Car c’est bien de cela qu’il s’agit lorsque M.Raffarin nous dit, la main sur le cœur, qu’il n’y a pas d’autres solutions.

Ce qu’il nous propose c’est d’allonger de plus en plus la durée des cotisations. Mais, nous garantit-il, en travaillant un peu plus vous sauverez vos retraites.

En fait son projet est tout simplement de mettre des conditions de plus en plus inaccessibles à la majorité des salariés, de faire ainsi en sorte que de moins en moins d’entre eux aient une « carrière complète ». Le but est d’abord de baisser nos pensions. Les personnels de l’éducation sont particulièrement sensibles à ce dispositif parce que leur situation en fait une cible privilégiée : [on ne fait pas 13 milliards d’euros d’économies dans la fonction publique sans toucher lourdement aux personnels les plus nombreux. Et les enseignants et plus largement les personnels de l’éducation ont une triple caractéristique : ce sont des métiers qualifiés avec un allongement de la durée des études et donc de l’entrée dans les métiers ; ce sont des métiers fortement féminisés ; ce sont des métiers qui connaissent en fin de carrière une forme d’usure particulière qui rend difficile de rester plus longtemps].

Mais si les personnels de l’éducation sont si fortement dans l’action ce n’est pas comme le dit M.Fillon par égoïsme, pour être « exonérés » d’un effort nécessaire. C’est parce qu’ils refusent une réforme d’ensemble qui va frapper tout le monde et en particulier ces jeunes que nous avons devant nous dans nos classes, ces jeunes dont nous voulons qu’ils prolongent leurs études parce que c’est bien pour eux, c’est bien pour la société et qui, si l’on suit M.Raffarin, n’aurait plus aucune chance de partir à 60 ans avec une retraite compète. Si l’on veut réformer et défendre nos retraites – et il faut réformer pour défendre nos retraites – c’est tout autre chose qu’il faut faire. On nous parle d’équité mais c’est d’équité dans la régression. Nous voulons l’équité dans les droits pour tous à 60 ans, pour tous 75% minimum, pour tous 37.5 ans, pour tous des droits nouveaux.

Ce refus de négocier est insupportable, la prétention à  décider à notre place est inadmissible. Nous sommes salariés, nous sommes citoyens, c’est de nos vies qu’il s’agit : nous n’admettons pas qu’on nous dise « le parlement débat, circulez, il n’y a rien à voir ». Pour cela il faut poursuivre l’action.

Dans l’éducation notre bataille a commencé en octobre : dans l’unité nous avons appelé à une première grève, puis une manifestation nationale, puis encore une grève et encore une autre… En face toujours le blocage, le front du refus. A un moment il nous est apparu à la FSU et ensuite à l’ensemble des organisations qu’il fallait franchir une étape nouvelle et inscrire le mouvement dans la continuité et la durée en faisant le lien entre les retraites et le dossier éducation. Nous avons bien conscience que la grève reconductible ne se décrète pas, nous avons dit aux personnels : nous pensons qu’il faut reconduire la grève, débattez-en, décidez-là de façon la plus unitaire possible.  Et ils l’ont fait. Ils le font. Pas tous, mais de façon suffisamment significative pour que cela construise un mouvement qui dure ; et pour appuyer ce mouvement, pour rassembler plus largement ceux qui n’y étaient pas, nous avons dans l’unité appelé à des journées de plus en plus rapprochées où chacun pouvait se retrouver : « temps forts » et grèves reconductibles se sont appuyés l’un l’autre et nous avons pu, grâce à un immense travail d’explication et de débats à la base, au plus près du terrain rencontrer un large appui de l’opinion ; [un appui d’autant plus large que consciemment ou non chacun voient les enjeux : retraites et école sont deux éléments fondamentaux des solidarités dans notre société.]

Après des mois de blocage, la force de ce mouvement a enfin fissuré le mur du refus. Avons-nous gagné ? Non. Avons-nous obtenu des reculs ? Oui. Nous satisfont-ils ? Non. Il est totalement inadmissible que l’on nous dise : pas question de renoncer aux transferts des TOS. Avons-nous montré que le gouvernement pouvait reculer ? Oui. Allons-nous arrêter l’action ? Non, trois fois non.

Avoir obtenu de premiers reculs doit nous donner encore plus d’envie et de force pour poursuivre : poursuivre au plan de l’éducation et surtout poursuivre au plan interprofessionnel avec vous tous. Notre appel à la grève dans l’éducation, ce 12 juin, premier jour du bac le montre. Personnels de l’éducation, le blocage gouvernemental nous oblige à faire grève un jour si important pour des centaines de milliers de jeunes. Cela fait deux semaines que nous disons que le blocage des examens n’est pas une bonne méthode d’action, nous vous disons aussi qu’il n’est pas question d’une trêve du bac : l’action continue et continuera. Que ce soit sur les retraites comme sur l’école nous avons besoin d’être encore présents, de plus en plus forts, de plus en plus déterminés ; nous avons besoin de trouver les moyens de construire des actions qui permettent à ces milliers de salariés, de citoyens qui sont avec nous de le montrer concrètement. Nous devons renverser le font du refus.

Les journalistes expliquent que le gouvernement a lâché sur l’école pour tenir sur les retraites. La FSU n’échangera pas un baril de déconcentration contre deux barils de retraite. Pas de donnant-donnant. Nous voulons gagner et sur l’école et sur les retraites. La FSU veut dans l’unité tenir toute sa place et je vous assure tous, profs, fonctionnaires, salariés du privé, que nous la tiendront.